Parlons-en (5) – Le triste anniversaire de l’euro

Le 1er janvier 1999, l’euro remplaçait les monnaies nationales pour tout ce qui concernait les transactions bancaires et internationales. Trois ans plus tard, pièces et billets commençaient à circuler. Avec le recul, on peut à présent porter un jugement sur cette nouvelle monnaie.

Une monnaie politique

L’euro est une monnaie « politique » dans la mesure où sa naissance est liée à un compromis politique franco-allemand. Plus précisément, la France de Mitterrand acceptait la réunification de l’Allemagne moyennant l’accord de cette dernière sur l’introduction de la monnaie unique.

Mais ce n’était pas tout, car dans le marchandage, l’Allemagne obtenait de surcroît deux « compensations » significatives :
1. Elle imposait une discipline budgétaire stricte à tous les pays participant à l’euro via les deux fameux critères dits de convergence : d’une part, le déficit public devait être inférieur à 3% du Produit Intérieur Brut (PIB) ; d’autre part, l’endettement public total ne pouvait excéder 60% de ce même PIB.
2. Une banque centrale était créée (la BCE ou Banque Centrale Européenne), totalement indépendante des gouvernements et avec comme seul objectif la stabilité des prix (une inflation égale à 2% annuellement).

Ces deux exigences allemandes ont eu d’importantes conséquences économiques. La discipline budgétaire a empêché toute réaction un tant soit peu musclée des gouvernements nationaux en cas de récession. Le second point devait mettre ces gouvernements sous la tutelle des marchés financiers. Expliquons-nous.

À la merci des marchés financiers

Prenons le cas de la Grèce. Ce pays a, comme bien d’autres, connu une grave récession en 2008-2009. Mécaniquement, la récession signifie moins de rentrées fiscales et plus de dépenses, par exemple pour payer les allocations des nouveaux chômeurs. Résultat ? Le déficit public s’alourdit et la dette également. Les détenteurs de la dette grecque craignent alors que l’État ne trouve pas les liquidités nécessaires pour rembourser sa dette. Ils revendent en conséquence leurs obligations.

Deux conséquences s’ensuivent : d’un côté, les taux d’intérêt sur la dette grecque s’envolent ; de l’autre, les « investisseurs » qui ont vendu leurs obligations vont utiliser les euros reçus pour acheter, par exemple, des titres allemands, jugés plus sûrs. Cependant, lorsque les emprunts de l’État grec arrivent à échéance, ce dernier ne dispose plus des euros nécessaires pour les refinancer. Le défaut de paiement n’est plus loin et la Grèce est contrainte de mener une politique féroce d’économies en tous genres.

Le rôle néfaste de la BCE

Au total, la Grèce est entrée dans une véritable spirale dépressive, dont les mécanismes se résument dans le schéma suivant :
Hausse de l’endettement public  accroissement des taux d’intérêt  crise de liquidités  cure d’austérité  augmentation du déficit et de l’endettement publics  nouvelle cure d’austérité … La spirale dépressive est en route.

Un tel scénario ne se serait pas produit si la Grèce avait disposé de sa propre monnaie. En effet, en cas d’absence de liquidités, elle aurait fait appel à sa banque centrale qui aurait alors émis la monnaie nécessaire pour assurer le refinancement de la dette publique.

De plus, la Grèce aurait échappé à la cure d’austérité qui lui a été imposée. Mais dira-t-on, pourquoi la BCE n’est-elle pas intervenue, comme l’aurait fait n’importe quelle autre banque centrale ? Tout simplement parce qu’elle est totalement indépendante de tous les gouvernements, en particulier grec, et que son seul objectif est le contrôle de l’inflation.

La Belgique parmi les derniers de la classe

Le cas grec est certes un peu extrême. Il n’empêche que peu ou prou, tous les pays importants de la zone euro ont dû, eux-aussi, subir une longue cure d’austérité dévastatrice.

Le graphique qui illustre cette chronique – il est dû à Éric Dor de l’IESEG-Lille et a été publié par l’Écho – montre quelle a été l’évolution entre 1999 et 2019 du revenu disponible (c’est-à-dire hors impôt) moyen par tête.

Il est sans appel, puisque la Belgique et a fortiori la Wallonie se retrouvent parmi les trois plus mauvais élèves de la classe aux côtés de l’Italie et de la Grèce. C’est cela l’euro pour les Wallonnes et Wallons ! On peut imaginer mieux !

4 janvier, 2019

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