Pour débattre

Les leçons de l’histoire (I)

Voilà donc que Peter Mertens, Président du PVDA-PTB, s’affiche à la Une d’un journal flamand du dimanche, aux côtés de Tom Van Grieken, Président du Vlaams Belang. Celui qui se réclame de la tradition communiste belge et internationale discutant – de quoi, sinon de l’avenir politique de la Belgique (et de la Flandre) ? – avec l’héritier à peine dissimulé de cette part notable des élites flamandes qui adhéraient au projet National-Socialiste. Les affirmations du Camarade Mertens, persistant à se définir comme « un antifasciste coriace », n’y changeront rien : le malaise est général et total. On ne peut que plaindre les courageux militants du PTB, et tout particulièrement les Wallons, qui auront à tenter de justifier cette pirouette néo-stalinienne. Qui n’est pas vraiment exempte de quelques précédents.

Car une petite leçon d’histoire générale et d’histoire du mouvement ouvrier s’impose à l’usage des membres du Bureau politique du Parti que préside le Kameraad Mertens : un bref rappel des avatars d’un autre Parti communiste, celui d’Allemagne (alors section du Komintern), dans les années qu précédèrent et suivirent l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir (le 30 janvier 1933). La ligne de l’Internationale communiste, alors présidée par le bulgare Dimitrov, mais entièrement dominée par Joseph Staline, s’intitulait « Classe contre Classe ». Formule quelque peu paradoxale pour dire que l’ennemi principal des communistes, et dès lors des travailleurs, était la social-démocratie. Et, dans cette phase des incessants zig-zag que Dougachvili leur imposait depuis Moscou, tous les Partis communistes cognaient sur les socialistes.

Le Parti communiste allemand (KPD), dirigé par Ernst Thaelmann, un fervent stalinien, devait se montrer singulièrement discipliné et acharné dans cette orientation qui repoussait toute alliance face aux nazis. Dans les combats de rue, notamment à Berlin, les milices communistes allèrent jusqu’à faire front commun avec les SA contre les groupes sociaux-démocrates et autres gens de gauche. L’analyse de la direction du Komintern, et donc de celle du KPD, était en 1932 que la prise de pouvoir par les Nazis serait l’antichambre de la révolution, soit de la montée au pouvoir des communistes. Dès août 1933, le Chancelier Hitler faisait interdire le Parti communiste (puis tous les autres), tandis que la Gestapo fourrait les militants du KPD dans les camps de concentrations (ou allaient bientôt les rejoindre les socialistes).

Le désastre de cette politique à la fois suicidaire et mortifère devait inspirer au génial Petit-Père des Peuples du Monde entier un nouveau zig-zag à 180° : les partis communistes reçurent instruction dès 1934 de nouer partout des alliances aussi larges que possibles, avec notamment les ennemis dits mortels d’hier, afin de faire face à la montée des fascismes. Ce qui permis en 1936 la constitution du Front populaire, avec les sociaux-démocrates et les radicaux, en France et aussi en Espagne, ce qui devait conduire à des situations prérévolutionnaires dans ces deux pays. La façon dont ces immenses espoirs populaires ont été ici trahis, là poignardés dans le dos, par les errements parfois conjoints des réformistes et des staliniens est un autre chapitre de la tragique histoire des luttes héroïques des travailleurs du monde.

Quant au toujours génial Secrétaire général du Parti Communiste de l’Union soviétique, guère échaudé par l’épisode allemand et l’effondrement de ses trop fidèles suiveurs du KPD en 1933 et leur mort lente ou rapide dans les camps nazis, il devait conclure en 1939 un Pacte avec l’Allemagne hitlérienne dont il croyait qu’il lui garantissait la non-agression de celle-ci (et subsidiairement le partage de la Pologne). Non content d’avoir décapité deux ans plus tôt l’Armée rouge (dont les généraux étaient plus léninistes que staliniens), il se refusa à toute mobilisation préventive, ce qui explique largement que la Wehrmacht, attaquant soudain le 22 juin 1941, devait s’enfoncer en URSS jusqu’aux portes de Léningrad et de Moscou. Les Russes ont bien du mérite de l’avoir emporté malgré les erreurs du Tovaritch Dougachvili.

Qui disait  » Celui qui ignore l’Histoire est appelé à la revivre, le plus souvent en pire  » ? Non, ce n’est pas Lénine, mais (et sans doute, hélas) Winston Churchill…

                                                                                              Jean-Claude Renda