Parlons-en (13) – Di Rupo : incohérence ou manœuvre ?

A partir de 2024, une bonne partie de ce qu’il reste comme solidarité « nationale » en Belgique s’évaporera progressivement en fumée. L’artisan de cette politique désastreuse, tout particulièrement pour la Wallonie ? Rien moins que Di Rupo lui-même, à l’époque premier ministre de la coalition des familles traditionnelles, dite arc-en-ciel.

Je retourne ma veste

Dans le journal L’Echo du 6 avril, Di Rupo a eu ces mots, lui qui martèle depuis plusieurs mois qu’il n’y aura pas de nouvelle réforme de l’Etat : « Aujourd’hui, le financement des Régions se fait sur base de l’impôt des personnes physiques. Personnellement, je n’ai jamais été d’accord avec cela, mais il a fallu l’accepter. Il faudra le remettre sur la table. » Et l’homme d’ajouter : « … c’est profondément injuste que (…) les Régions soient financées via le concept de l’impôt des personnes physiques ». Bien dit, mais…

Il y a en effet un « mais », car qu’a fait Di Rupo lorsqu’il était premier ministre, si ce n’est accepter et mettre en œuvre cette clé de répartition et de financement, particulièrement favorable à la Flandre ?

Comment imaginer un seul instant qu’il puisse obtenir une meilleure clef de répartition pour le financement de la Wallonie sans lâcher énormément sur tout le reste ? Par exemple, c’est grâce à ses talents de « négociateur » que les partis flamands traditionnels ont pu engranger la régionalisation d’une branche de la sécurité sociale : les allocations familiales.

Alors qu’est-ce qui se cache derrière cette proposition dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle est surprenante ?

Sans doute une pénible manœuvre

Revoir le financement des Régions et communautés, c’est vouloir une nouvelle loi de financement. C’est ce que veut donc le président presque inamovible du PS. Rappelons d’abord qu’une telle loi nécessite une majorité des deux tiers au Parlement fédéral plus une majorité (simple) dans chaque groupe linguistique. C’est la procédure prévue par l’article 4 de la Constitution et c’est pour cette raison qu’elle est qualifiée de spéciale. Rappelons aussi que – article 177 de la Constitution – « une loi adoptée à la majorité prévue à l’article 4 …fixe le système de financement des Régions ». Rappelons enfin que la première de ces lois spéciales remonte au 16 janvier 1989 et qu’elle était liée à la troisième réforme de l’Etat, donc à un transfert de compétences vers les Régions et Communautés. Par la suite, toute révision de la loi de financement s’est déroulée sur le même modèle : modalités de financement revues contre accroissement des autonomies chères à la Flandre.

Mais à chaque fois qu’une telle négociation s’engagea, ce fut un véritable marché de dupes : pour le dire platement, les négociateurs wallons et francophones se sont faits régulièrement rouler dans la farine : la Flandre imposait les critères de financement qui lui étaient favorables et « en échange », elle obtenait les « compensations » qui lui tenaient à cœur.

Au total, si Di Rupo veut modifier la loi de financement, il faudra qu’il passe sous les fourches caudines de la Flandre. Bizarre pour quelqu’un qui ne cesse de répéter, tout comme Charles Michel, qu’il n’ouvrira pas la boîte de Pandore institutionnelle et communautaire !

L’homme est-il incohérent ? C’est possible, mais il y a une autre explication : qu’il cherche à constituer un axe N-VA/PS pour l’après 26 mai, on ne sait jamais. Imaginons en effet – ce n’est pas de la science-fiction – un gouvernement flamand présidé par De Wever, un gouvernement fédéral quasiment impossible à mettre sur pied. Dans ces conditions, une nouvelle grande négociation communautaire pourra s’ouvrir, la N-VA venant avec son confédéralisme et le PS avec sa refonte de la loi spéciale de financement.

Là est la manœuvre !

Une seule solution

Faire l’Autruche et déclarer qu’on n’est demandeur de rien constitue une attitude qui conduit invariablement à céder aux exigences flamandes. C’est pourquoi Wallonie Insoumise va proposer un plan qui ouvre la voie à une septième Réforme de l’Etat, à l’issue de laquelle la Wallonie sera en fin de compte pleinement souveraine. Encore un peu de patience, cher lecteur, chère lectrice, pour connaître les contours précis de cette proposition…

30 avril, 2019

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